TUEUR EN SERIE

Publié le par YO

TUEUR EN SERIE


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J’ai longtemps rêvé d’être un tueur en série.

Mais à chaque fois que j’y pensais il y avait ma conscience qui était là, fidèle au poste pour me gronder de manière ferme et définitive.

Basta.

Mais finalement, Je me suis levé ce huit janvier avec la ferme intention de « zigouiller plein de monde ».

Mixez quelques idées suicidaires avec un ras- le-bol, ajoutez-y une jalousie illégitime envers quelques trop nombreux imbéciles qui ne méritent pas ce qu’ils ont de plus que moi.

Faites mariner quelques mauvaises nuits de pleine lune et le tour est joué.

Janvier

J’allais tuer quelqu’un, mais plus vraisemblablement quelqu’une, il y a tellement de femmes qui me narguent... m’énervent avec leurs manières...

J’avais lu quelque part que deux heures du matin était l’heure idéale car la grande majorité de la population des pays modernes est au plus profond du sommeil à ce moment là.

Donc, me voilà dehors par moins huit degrés avec un bonnet tyrolien bien chaud qui couvre largement mes oreilles, j’ai horreur d’avoir froid aux oreilles. De couleur neutre le bonnet...

Au bout de trois heures de marche et de quelques minutes de réflexion - ou bien l’inverse, je ne sais plus très bien - je me rendis compte que l’on était la nuit du jeudi à vendredi dans ma petite ville de province. Je me fis une petite réflexion : « t’es mal barré mon coco ! » Il m’arrive souvent de m’appeler ainsi...

Mais comme pour me contredire, je vis soudain déboucher de la rue perpendiculaire à la mienne juste là, à cinq mètres, un gros bonhomme de deux têtes plus grand que moi. Ouf, je n’avais pas fait sonner mon réveil en pleine nuit pour rien ! Cool ! J’allais pouvoir mettre en pratique des années d’étude concernant tous les reportages sur les tueurs en série passés sur le petit écran. Je n’en avais pas loupé un.

De suite, je pris le grand gaillard en chasse, ajustant mes gants, tirant de dessous ma longue veste un grand couteau cranté, je me mis en devoir de le rattraper.

Chose faite en cinq bonnes minutes, le gars avait pourtant des jambes immenses.

Le souffle un peu court, j’étais enfin parvenu juste derrière lui et alors que je plongeais mon bras armé, la main crispée dur comme la pierre autour du manche, les dents serrées, ma mâchoire crispée, l’autre mains tendue en contre balancement, le pied léger et silencieux, tandis que je stoppais ma respiration pour ne pas me faire entendre, mon pied gauche vint se posait sur une plaque de verglas, et tandis que je faisais une pirouette sur moi même, ma main s’ouvrit pour me rattraper et du coup la lame sauta sous une voiture tandis que mon bonnet se fichait sur une antenne de voiture. Finie la toupille, je terminais ma course étalé sur le sol, la figure plantée dans une énorme crotte, entorse au pied gauche, contusion au genou, hématome à l’épaule, entaille au front, bref, un bien triste spectacle.

Ma victime s’arrêta net. Ouf, il avait me porter secours !

Tournant la tête et le buste d’un seul mouvement souple et ample, il me cracha un « pauvre type » à la tête et repris sa route.

Début prometteur, deux semaines d’immobilisation furent nécessaires pour me remettre sur pieds.

Mars

Après un passage à vide pendant lequel j’ai du faire face à mes doutes, me voici de retour plus décidé que jamais.

J’ai changé d’heure, j’ai changé de jour, nous sommes samedi soir, il est onze heure trente, j’ai acheté un pistolet avec un truc au bout, un silencieux qui ne ressemble en rien à ce qu’on voit à la télé, mais bon, j’ai fait appel à un expert, un fournisseur très sérieux qui me donne toutes les garanties de parvenir à mes fins.

Je veux la maîtrise totale, et pour ma première victime j’ai choisi la femme du boucher.

Pourquoi, je vous vois venir, vous allez me demander, pourquoi la femme du boucher ?

Et bien puisque vous voulez tout savoir, je vous trouve très curieux d’ailleurs, soit dit au passage !

Mais je vais vous répondre quand même :

J’ai choisi la femme du boucher par ce qu’il est mort, lui et que sa femme qui l’a fait cocu pendant des années a longtemps été suspectée de l’avoir empoisonné mais il parait qu’il y a eu vice de forme dans l’enquête et qu’elle est intouchable...

Je l’ai attendu sur le parking prés de chez elle, un parking où on peut garer une bonne dizaine de voiture mais où il n’y en a jamais plus de deux ou trois y compris la sienne.

Après deux heures d’attente à me les geler par moins dix degrés, heureusement j’étais planqué dans ma voiture mais il fait froid quand même et pis je pouvais pas allumer le moteur sinon on aurait vu que j’étais là, même si il y a qu’une maison dans cette rue, qu’en face c’est une usine désaffectée, je voulais pas prendre de risque.

Elle était sortie de chez elle, il était donc pas loin de deux heures du matin, j’avais pris mes renseignements, elle sort en boite tous les samedis soir, mais si j’avais su que c’était si tard, enfin bref...

Alors qu’elle s’apprêtait à ouvrir sa voiture, je suis sorti de la mienne et directement, le bas nylon sur la tête, je l’ai braqué avec mon flingue, quand je vous dits que j’ai fait gaffe à ne rien oublier ! Hein !?

Elle m’a regardé de son regard de cochon tout comment dire, mielleux et vicieux, un petit sourire porcin au coin des lèvres que ça m’a fait un frisson dans le dos. C’est vrai tiens, maintenant que j’y pense, pour une bouchère elle a tout l’air d’un cochon, mais vous verrez par la suite que pour une cochonne...

Hum, mon canard, t’as pas besoin de ce joujou là si tu veux obtenir quelque chose de moi.

Je me suis pas laissé intimidé, j’ai pris une voix grave et je lui ai dit de monter dans son auto et de m’obéir au doigt et à l’œil sans broncher.

Elle m’a fait un sourire coquin en glissant sa langue sur ses lèvres et m’a lancé un clin d’œil avant d’obéir.

Direction les champs, j’allais lui mettre deux ou trois bastos et hop, une signature typique bien à moi et hop hop, la série commencerait.

Nous avons roulé près d’une heure sans un mot, je ne retrouvais plus ma route... mais je pouvais quand même pas lui dire ! Alors j’ai fait celui qui maîtrise, sauf que, à passer trois fois devant la même cabine téléphonique, j’ai fini par me sentir un peu con.

Comprenez-moi !

Et pis je sais pas pourquoi ça m’a énervé et j’ai un peu perdu mes moyens et du coup je n’avais plus très clair le plan de la suite des événements dans la tête, alors j’ai crié stop, et elle a stoppé, forcément !

Sauf qu’elle a pas fait que ça, elle devait avoir le sang en ébullition ou sa foufoune qui je ne sais pas quoi, bref que elle m’a sauté dessus, moi, dans un réflexe de défense j’ai voulu tirer, sauf que le coup est pas parti, la sécurité qui était mise ou je ne sais quoi que bref, j’ai pas eu le temps de dire ouf que la salope elle m’a foutu à poil et violé cinq fois en une heure avant de me laisser tout nu dans le caniveau.

Finalement, c’est bien parce que j’ai l’esprit tenace, sinon je crois bien que j’aurais laissé tomber.

Tout à mon honneur ça non ?

Mai

Ça y est, j’ai repris du poil de la bête, ou alors ce sont mes pulsions contre la terre entière, je ne sais pas trop comment expliquer mais toujours est-il que me revoilà, et plus en forme que jamais !

Mon plan est simple, je vais aller au bal de Saint Ouin-zin, j’y ai toujours eu beaucoup de succès avec les filles, chaque fois il y en a eut deux ou trois qui me faisaient des clins d’œil et des sous-entendus comme quoi il pourrait bien se passer des tas de trucs entre elles et moi, pas des trucs sales comme avec la bouchère, des trucs de campagne, dans les champs ou des choses ainsi...

C’était un samedi soir, j’avais pas trop envie de faire une nouvelle tentative un samedi soir, mais en même temps, si il faut aller chercher une victime le soir ou la nuit, je ne voyais pas trop comment faire autrement. Il faut être logique quand même, si on veut avoir le choix.

Elle s’appelait Odette, et les lampions brillaient dans ses yeux.

Je me suis dit, « fais vite mon gars », tu risques de tomber amoureux. Elle était particulièrement jolie, hormis sa robe, et pis faut dire que ça faisait quelques années que j’avais pas touché une fille.

Nous avons débuté la conversation.

- Vous habitez ici au village.

- Oui.

- Chez vos parents ?

- Oui.

Je la sentais toute intimidé !

- Vous voulez boire quelque chose ? Une bière ?

- Oui.

- Une bière grenadine ?

- Oui.

Elle n’était pas contrariante ! Je lui ai amené une bière grenadine, dans laquelle j’ai mis une petite potion. Une préparation qui fait oublier le lendemain ce qu’on a fait la veille, « la pilule de la veille » que ça s’appelle, parce que justement, le lendemain on ne se souvient plus… de la veille !

Vous connaissez peut-être ?

Après j’ai fait vite et efficace, hop hop, elle avait à peine fini sa chope que je lui ai dit :

- On peut peut-être aller faire un tour ensemble dans les champs, là ou il n’y a personne ?

- Oui.

- Tu prends ton sac ?

- Oui.

- On va prendre par là, tu me suis ?

- Oui.

On a marché, marché, marché, je voulais être sur que personne ne l’entendrait crier, si jamais elle criait. On a bien du faire une dizaine de kilomètres.

Après, ben après... le problème c’est que je me souviens de rien ! Le trou de mémoire noir ou bien le trou noir de mémoire, comme vous voulez mais en tout cas, pas moyen de me souvenir !

A croire que c’est moi qui…

Juin

Je ne voulais pas rester sur, comment dire, une demi victoire, ou un demi échec, selon comme on se situe. Comme si c’était moi qui avais pris la pilule !!...

Alors j’ai décidé de persister. En fait, il y a une personne qui m’a décidé à faire une dernière tentative, c’est le fils de mon voisin, Kévin. A 16 ans (et demi comme on tient à préciser à cet age là) cette crapule de première avait déjà à son actif de quoi passer la moitié de sa vie en prison.

Je sais bien qu’il est facile de s’en prendre à ceux qui se font remarquer mais je vous avouerai que je n’ai pas pris la peine de questionner ma conscience, bien au contraire, j’ai vite mis un mouchoir dessus...

Et ça s’est passé très vite car il traîne toujours dehors, surtout à cette période de l’année, et sans prendre le temps de dire où il est et où il va à sa mère qui ne le supporte plus lui et tous les ennuis qu’il amène à la maison.

C’était un soir de semaine, décidemment, j’aurais tout essayé !

Il faisait beau, et à 21h30 le soleil n’avait pas encore envie d’aller voir de l’autre coté et donc il faisait encore bien clair. Tant mieux, je trouvais plus facilement la petite brute dans le terrain vague, très vague derrière chez moi. En plus, en sortant par le grillage de mon jardin personne ne savait que lui et moi nous étions rencontrés. A cette heure là il était toujours installé dans une veille voiture pourrie, une coccinelle sans roues et sans porte.

Organisé, j’avais pris un sac à dos avec une grosse corde. Au moment où j’arrivais prés de l’auto, justement notre ami s’en extirpait la clope au bec, tout joyeux.

D’emblé, je l’attrapais par les pans de sa veste et tout en lui faisant faire demi tour je l’envoyais cogner contre le capot du vieux tacot.

Il émit un gémissement de douleur et ses genoux se pliaient. Impeccable. Je tirais la corde et la fis passer rapidement autour de sa taille prenant soin de mettre ses bras dans le cercle de lin, il ne pouvait déjà plus bouger, à moitié sonné qu’il était, il n’en avait de toute façon pas très envie.

J’ai retrouvé dans la poche de ma veste le bas nylon qui avait servi lors de mes premiers essais, je l’enfilais au cas où Kévin parviendrait à s’enfuir.

Je l’ai trimballé sur trois kilomètres, sans trop de difficulté, après la corde, je lui avait mis, de suite, un chiffon dans la bouche avec un gros scotch par dessus, connaissant le môme je ne voulais pas qu’il me bassine avec des histoires à dormir debout.

Fier de moi, je trouvai que mon expérience commençait à payer, organisation, sang froid, comme un vrai pro je maîtrisais...

Arrivés à la ligne de chemin de fer, j’ai posé mon fardeau de sale gosse en travers de la voie et vidant mon sac à ses pieds, je me suis mis en devoir de le ligoter fermement.

C’est à ce moment qu’il s’est mis à beugler comme une vache enragée, gesticulant comme il pouvait. J’ai même du renforcer le ligotage au niveau de ses jambes, il fulminait, cherchant à me dire quelque chose, il avait l’air de répéter tout le temps la même chose tandis que ses yeux tournaient dans tous les sens et que de grosses gouttes de sueur perlaient à son front.

J’ai bien utilisé trente mètres de corde pour être sur de mon coup, deux heures pour ligoter le petit poulet...

Quand je suis parti, prenant soin de ne laisser aucune trace, aucun indice, j’étais aux anges, la tête et les jambes de chaque coté des deux longues lignes de métal rouillée, Kévin me fixait de ses yeux fous en répétant toujours la même chose.

La tentation était grande dans ma tête, d’aller lui enlever son bâillon, mais je résistais, m’étonnant moi-même ! Mais quelle maîtrise... mais quelle maîtrise, le compliment résonnait en boucle dans ma tête, pas peu fier le mec...

L’étincelle,

A cinq heure du matin je compris.

Je n’arrivais pas à dormir, trop content de ma réussite, enfin ! Mais curieux que je suis, je me répétais inlassablement la phrase étouffée que me jetait en continue le sale mioche.

Wwwwwwa luuuu eu rinnnnnn iiiii paaaaaaaaa ......

aaaaaa oiaaaa ééééé ooooooonnn… aaaa… nééééééééé...

Même ça j’ai réussi à le traduire, à le deviner devrais-je plutôt dire. Il m’a juste fallu quoi, aller, quatre petites heures et tel un ordinateur la réponse est sortie sur l’imprimante de ma grande bouche :

Y’a plus de train qui passe... la voie est condamnée !

Quelle maîtrise... mais quelle maîtrise...

Publié dans NOUVELLES

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